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MORCEAUX CHOISIS

Les mots

Le 13/11/2022

Dans la grande famille où fourmillent les mots,

Je m’en choisis pour l’art de parler ou d’écrire,

Et, dans cette forêt aux millions de rameaux,

J’en prends pour m’amuser, pour narrer, pour décrire.

 

Verbes et locutions ou autres qualificatifs

S’agencent joliment et flattent nos oreilles

A tout mode, à tout temps, futur ou subjonctif;

Ils sont, pour notre esprit, pure et simple merveille.

 

C’est pourquoi, çà et là, j’en remplis ma besace,

Pour rire ou pour pleurer, pour aimer, pour haïr,

Pour chanter, deviser ; jamais je ne me lasse,

Tant les mots bien choisis procurent du plaisir.

 

Rémy

La pluie

Le 13/11/2022

Flic, revoilà la pluie qui pleure en italique,

Floc, sur le toit pentu de la vieille bicoque,

Flic, et dans un tempo monotone et cyclique,

Floc, comme des grelots, les gouttes s’entrechoquent.

 

Flic, ruisselant bientôt sur le sol famélique,

Floc, traçant des serpents sinueux et loufoques,

Flic, la pluie vient verser au thym, au basilic,

Floc, au frêle olivier les bienfaits de l’époque.

 

Flic, l’escargot ravi cesse alors sa supplique,

Floc, s’étend tout entier hors sa coque baroque,

Flic, la nature émue, ô, plaisirs bucoliques,

Floc, entend du printemps le moite soliloque.

 

Flic, au loin les crapauds chantent, mélancoliques,

Floc, du clocher pointu sonne la joie de Pâques;

Flic, le soleil bientôt éclairera, oblique,

Floc, ces enfants joyeux qui sautent dans les flaques!

 

Rémy

L'enfant prodigue

Le 13/11/2022

Tout commence en été

Lorsqu’un jour je suis né.

Les cloches

Sonnèrent aussitôt.

 

Ma sagesse enfantine

Se met vite en sourdine.

Tout mioche,

Je suis un numéro.

 

J’épuise mes parents

Et je reçois souvent

Taloches,

Soufflets sur mon museau.

 

Soignant mon petit corps,

Goulûment je dévore

Brioches,

Sucreries, cacao.

 

Aux champs, j’aide  mon père

A travailler la terre.

Je pioche,

Je manie le râteau ;

 

Et puis, me croyant mûr,

Je pars à l’aventure.

En poche,

Je n’ai que du culot.

 

« Je veux être marin ! »,

M’écriai-je soudain.

Le Foch

Me fit détester l’eau.

 

Puisque les flots m’attristent,

Je deviens donc artiste ;

J’accroche

Sur les murs mes tableaux.

 

Je joue, quand vient le soir,

Des blanches et des noires,

Des croches,

Des airs sur un piano.

 

Le public insensible

Formule de terribles

Reproches

Sur mon coup de pinceau.

 

Mais la chance, tout bas,

Me dit : « Ne rate pas

Le coche :

Joue dans un casino ! »

 

J’exécute, docile,

Ces conseils et, fébrile,

J’empoche

Fier de moi le gros lot.

 

Je m’offre un grand voyage,

Je visite Carthage,

Antioche,

Singapour et Rio.

 

Cupidon, impassible,

Dont je deviens la cible,

Décoche

Ses flèches d’angelot,

 

Gravant mon cœur meurtri

D’une longue série

D’encoches

D’où l’amour coule à flots.

 

Je chéris mes amantes

Et j’offre à ces charmantes

Des broches

Et bien d’autres joyaux.

 

Ma vie s’en est allée

Comme un frêle galet

Ricoche

Quand on l’envoie sur l’eau

 

Et je crois bien qu’en somme,

Je finirai tout comme

Gavroche,

Le nez dans le ruisseau.

 

Il faudra bien partir

Et laisser sans mot dire

Mes proches ;

Ça, c’est moins rigolo.

 

Les fleurs et les fougères,

Les cailloux et la terre,

Les roches

Me feront un manteau.

 

Alors, je rejoindrai

Jésus dans ses contrées.

« Approche ! »,

Me dira-t-il tantôt.

 

« Regarde sous tes pieds. » 

Je vois le monde entier ;

C’est moche !

On est bien mieux la haut !

 

Rémy