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MORCEAUX CHOISIS

Divine

Le 13/11/2022

Bonsoir, poupée de nacre aux prunelles saphir !

Te souviens-tu de lui, ô cruelle féline,

Lorsque tu voletais, suave et doux zéphyr,

Un soir, auprès de lui, ravissante et câline ?

 

L’aurifère crinière ondulait dans le vent,

Effleurant les contours de tes lèvres carmin.

Lui regardait le ciel, une étoile, en rêvant…

Sans un mot, sans un bruit, il caressait ta main.

 

Oh, prends garde, mon ange, à tes ailes fragiles,

De ne point les brûler sur un foyer ardent !

Tu crois savoir voler et tu crois être agile ;

 

Oh, mon cher séraphin, je t’en prie, sois prudent !

Enfin, cette nuit là, si tu fus son vainqueur,

Ne joue pas avec lui mais va cueillir son cœur.

 

Rémy

Les lions

Le 13/11/2022

C’est, à l’orée du kraal, la marche nuptiale ;

Un couple de lions progresse, martial.

Les cirrus incarnats font au ciel un portique

Où l’astre d’or suspend ses fléaux erratiques.

Les halos oscillants filtrent, ainsi drapée,

La dentelle ajourée des arbustes épais.

Dans un acacia, des chimpanzés, en cœur,

Stridulent leurs échos en triolets moqueurs.

Un vent d’hostilité rôde sur la savane ;

Les deux fauves gourmés pénètrent ses arcanes.

 

Dans le miroir sans tain d’une psyché liquide,

Se confie, à l’étang, l’antilope languide.

Les ultimes faisceaux du spectre évanescent,

Quand  l ’ « ite »  retentit fondent au soir naissant.

Et le ballet s’anime où les bêtes vont boire,

En clapotis rythmés, laper l’onde de moire.

Les crapauds buffles crient leurs rauques harmonies ;

Une aposiopèse éteint la symphonie.

L’antilope pressent le frisson d’un péril ;

Dans l’ombrage ont relui quatre chrysobéryls.

 

Les glaives ivoirins au venin séminal

Happent leur venaison, scandent la bacchanale,

Tranchent, comme un corail déchire une varangue,

Les chairs endolories de l’animal exsangue.

Ses sabots maculés des barbaries nocturnes

Ont revêtu l’aspect de vermillons cothurnes.

Le cœur à l’agonie emplit la canopée,

Expirant mollement ses soupirs syncopés.

L’aube dissout la nuit dans un jusant céleste ;

Les lions sont partis sans demander leur reste.

 

Rémy

Le feu

Le 13/11/2022

Sur des chenets rouillés, une drôle de bouche

Dévore sans merci les tripes d’une souche.

Elle est en appétit sitôt qu’une allumette

Trouve l’antre béant où l’attend sa luette.

 

Aux lèchements bleutés des gourmandes papilles,

L’écorce vermoulue de la bûche grésille.

Le bois craque, cédant sous les dents qui le croquent ;

Entre chaque bouchée, les branches s’entrechoquent,

 

Laissant, comme un dragon que l’enfer ensorcèle,

Postillonner en l’air des gerbes d’étincelles.

En râles crépitants dans la gorge de braise,

S’étranglent les tisons, rouges, dans la fournaise.

 

Et, des langues fourchues, la brûlante salive

Essuie l’émail saillant de lisses incisives,

Arc-boutées sous les mors des babines que gavent

Les flots érubescents d’incandescente bave.

 

La gueule et les naseaux qui flairent et reniflent

Eructent, en fumant, leur haleine qui siffle,

Blondissant et bouclant en de torses volutes,

Sur un front flamboyant quelques mèches hirsutes.

 

Broyant et mastiquant de leurs mauves tenailles,

Les mâchoires goulues grincent et font ripaille,

Tandis que, saturé, s’enflamme l’intestin

Dont les bouillants boyaux défèquent ce festin.

 

Les agapes se font, freinant leur frénésie,

Un murmure discret qu’éteint une aphasie.

Une plainte étouffée au creux du goitre geint

Tenant d’une nausée ou bien d’un ogre à jeun.

 

Comme un déchet mauvais, un gras cholestérol,

S’épanchent les fumées de fines fumerolles.

Le charbon consumé, tel un crâne crépu,

Témoigne, noir de gris, que la bouche est repue.

 

N’ayant plus de mordant, d’énergie à revendre,

Il ne subsiste alors qu’un petit tas de cendres.

Un dernier bâillement à tout jamais l’endort.

Mords et tu seras feu, brûle et tu seras mort !

 

Rémy

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