Le 13/11/2022
LA VESTALE
Grands témoins dans les cieux
De sa virginité,
Elle exhorte les dieux
A garder la Cité,
Au temple, sous les yeux
De la foule exaltée.
Dans sa robe de lin,
Ô prêtresse sacrée,
Préservée du Malin,
Blanche comme la craie,
Sur les veaux, les poulains
Elle souffle un apprêt.
Les longs cheveux d’ébène
En six nattes tressées
De la sainte Romaine
Recouvrent les pensées
Et les reins de la reine
Sont seuls à caresser.
A la claire fontaine,
Quand perle la rosée
Des veines souterraines
Elle s’en va puiser
Les eaux pures et saines
Par l’aurore irisées.
Elle a tout, la jeunesse
Qu’on ne peut profaner,
Le destin d’une altesse
Pour une âme bien née
Mais aussi la promesse
A sa trentième année
D’emmener à Lutèce
Peut-être un nouveau-né.
Sous le manteau noirci
Dont Rome s’est parée,
Le foyer resplendit,
Gardien de la Cité.
Elle veille sur lui
Pour qu’il brûle à jamais.
***
C’était une fillette
D’une noble lignée,
D’âme et de corps parfaite,
Un chef d’oeuvre signé,
Lorsqu’en ce jour de fête
Elle fut désignée.
Au Collège elle apprend
De ses sages aînées
L’office qu’elle rend
Après quelques années.
Elle occupe ce rang
Que chacun reconnaît.
Un carrosse l’emporte
L’hiver comme l’été
Entre toutes les portes
De l’immense cité,
Précédé d’une escorte
Aux armes redoutées.
Devant elle s’incline
La moindre autorité.
Des mots qu’elle décline
Nul ne pourrait douter,
Amata qui fascine,
Ecrin de pureté!
Au spectacle elle a l’heur
De pouvoir assister.
De sa place d’honneur,
Elle entend cliqueter
Les fers des gladiateurs,
Elle voit miroiter
Les chars et leurs tracteurs
Par la course éreintés.
Au hasard d’un détour
Un pauvre homme enchaîné
Implore son secours.
Elle écoute, peinée,
Et d’un mot plein d’amour
Gracie le condamné.
***
Elle prie, elle crie,
Pauvre fille atterrée!
Dans un instant, ici,
Des fous vont l’enterrer.
Vesta, qu’elle supplie,
A dû s’être égarée…
Un despote cruel
Au pouvoir tourmenté
Voulait tuer icelle
Pour son règne illustrer
Et condamna la belle
Sans l’avoir écoutée.
Aux marches du caveau
Sa robe est accrochée.
Voici que le bourreau
Vers elle s’est penché
Pour saisir de là-haut
Sa main jamais touchée.
Refusant la souillure
Par dégoût et fierté,
De ce contact impur
Elle s’est écartée
Et jusqu’au bout se jure
Son honneur d’emporter.
Elle a tout, la jeunesse
Qu’on ne peut profaner,
Le destin d’une altesse
Pour une âme bien née
Mais aussi la promesse
A sa trentième année
D’emmener à Lutèce
Peut-être un nouveau-né.
Au fond de son tombeau
Elle s’est allongée.
Le pain, la jarre d’eau
N’y pourront rien changer.
Elle s’en va là-haut
Légère et soulagée.
Rémy
A la mémoire de la vestale Cornélia.